dimanche 9 septembre 2012

Homophobie d’Etat au Québec et au Canada : Repères historiques 2/3


L’homophobie d’État est celle qui par les lois ou le manque de celles-ci discrimine les homosexuels.
Nous pouvons estimer aujourd’hui que Le Canada est l’un des rares pays au monde où l’homophobie d’État est nulle. Évidement, il n’a pas toujours été ainsi. Il me semble intéressant de jeter un regard en arrière pour mieux comprendre l’évolution des lois au Canada qui ont permit aux homosexuels d’avoir les mêmes droits et les mêmes devoirs que le reste de la population.
Il est bien triste de constater que l’homophobie vécue dans la société canadienne dans les rapports entre individus est loin d’avoir disparu sans compter que certaines lois continuent d’être bafouées.
Il est important aussi de se rappeler qu’un changement de gouvernement suffit pour remettre en cause certaines de ces lois pour lesquelles nos ainées se sont battus.
Voici, donc le deuxième volet du petit historique tiré de 4 documents différents. (Volet 1 ICI)
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Ressources : Selon les couleurs du texte

 
2/3 De la révolution tranquille à la fin du XX ème siècle



De 1959 à 1966

De 1959 à 1966, soit pour la période désignée au Québec sous l’appellation de Révolution tranquille, la moyenne annuelle de condamnations pour sodomie est de 128,5.

L’analyse d’Alex K. Gigeroff (1968, p. 173) montre très bien la tendance que suivent les accusations de grossière indécence au début des années 1960, délit souvent utilisé pour réprimer les homosexuels. Sur les 60 accusés, (68 accusations) de grossière indécence qu’il analyse en 1961, 40 sont deux adultes mâles consentants. En guise de comparaison, il n’y a que quatre hétérosexuels accusés, soit 6,6 % des mises en accusation.

Pour ce qui est de l’interpellation des homosexuels dans les années 1960, l’accroissement des effectifs policiers  y est sans doute pour quelque chose, comme en fait foi l’augmentation de plus 80 % des forces de l’ordre pour la ville de Montréal entre 1950 et 1965.  Les témoignages recueillis par Ross Higgins (1999, p. 31) sont révélateurs de l’intervention policière à l’égard des homosexuels.

Les hommes qui ont vécu dans le milieu gai des années 1960 affirment que les descentes policières étaient empruntes de mensonge, de violence et de haine, et qu’elles visaient à atteindre des quotas d’arrestations en partie au moyen de rafles, mais aussi en piégeant les délinquants potentiels selon la procédure dite d’entrapment.

En se référant à nouveau à l’histoire, deux conclusions peuvent être dégagées. D’une part, l’homosexualité est réprimée surtout en période de dépopulation ou de faible natalité. Un parallèle semble possible avec la situation démographique qui prévaut au Québec dans les années 1960, où un ralentissement du taux de natalité et un affaiblissement du poids de la province se fait sentir dans l’ensemble du Canada. D’autre part, l’homosexualité est plus souvent qu’autrement associée à la corruption de la jeunesse. Par le fait même, plus une société est attentive à l’égard de ses jeunes, plus la répression à l’encontre des dangers qui entourent cette jeunesse est susceptible d’être présente.


1964
212 condamnations pour sodomie au Québec.

De 1967 à 1975
À la fin des années 1960, période d’intenses débats entourant l’adoption du bill Omnibus,  on assiste au Québec à une relative régression policière à l’encontre des homosexuels. Cette période de calme relatif prend fin brutalement en 1975 avec l’arrestation d’une trentaine d’hommes au Sauna Aquarius à Montréal. Pour la première fois dans l’histoire de la répression des mœurs homoérotiques, les accusations sont portées en vertu de la section du Code criminel qui concerne les maisons de débauches.

1968
55 condamnations pour sodomie au Québec
En 1968 débutent les débats sur le bill Omnibus sur la dépénalisation de l’ensemble des comportements sexuels pratiqués en privé entre adultes consentants (projet de loi C-150)

1969
La Chambre de communes adopte cette fameuse loi le 27 juin 1969 Proposée par le premier ministre du Canada, Pierre Elliott Trudeau. Elle entre en vigueur quatre jours plus tard, soit le 1er juillet 1969. Par l’entremise du bill Omnibus et de son article 158, le législateur canadien crée un régime d’exception qui limite l’application des articles 155 (sodomie) et 157 (grossière indécence) du Code criminel entre adultes consentants (21 ans d’âge) en privé, et ce, non limitées aux personnes homosexuelles. les relations homosexuelles contrevenaient au Code criminel et étaient punissables d’emprisonnement. Par cette loi, l’État confirme qu’il n’a rien à faire dans les chambres à coucher des citoyennes ou citoyens. À cet égard, il est intéressant de constater que les recherches archivistiques de Pierre Hurteau (1991, p. 208) sur les débats parlementaires  dévoilent que cette loi est antérieure aux mouvements de libération gaie au Canada. Elle émane probablement d’une plus grande tolérance de la société canadienne à l’égard de ce type de sexualité, et non d’une demande politique des homosexuels

1972

 
1973  Jusqu’en 1973, l’homosexualité est considérée comme une maladie mentale. Les traitements pour guérir les personnes de leur orientation homosexuelle sont nombreux : électrochocs, lobotomies, thérapies d’inversion, etc. En 1973, l’American Psychiatric Association émet un avis selon lequel l’homosexualité n’est plus une maladie mentale. En conséquence, l’homosexualité est retirée du Diagnostic Statistical Manual (DSM), qui sert de référence à tous les professionnels de la santé et des services sociaux en Amérique du Nord pour poser un diagnostic.

1975
L’Assemblée nationale du Québec adopte la Charte des droits et libertés de la personne du Québec, sans mentionner l’orientation sexuelle comme motif illicite de discrimination.
Arrestation d’une trentaine d’hommes au Sauna Aquarius à Montréal

1976
La vague répressive d’arrestations se poursuit et s’accentue, principalement en raison de la campagne de nettoyage en vue des jeux olympiques de Montréal.

1977
La quête des homosexuels québécois vers une reconnaissance juridique connaît son heure de gloire en 1977 avec l’adoption de l’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne par le gouvernement québécois. Cette loi protège explicitement les homosexuels contre toutes les formes de discrimination liées à l’orientation sexuelle. Elle est adoptée par l’Assemblée nationale le 15 décembre 1977 et mise en vigueur une semaine plus tard. Le Québec devient alors le premier État à interdire la discrimination contre les gais et les lesbiennes. L’article 10 de la Charte des droits et libertés de la personne stipule que : Toute personne a droit à la reconnaissance et à l’exercice, en pleine égalité, des droits et libertés de la personne sans distinction, exclusion ou préférence fondée sur la race, la couleur, le sexe, la grossesse, l’orientation sexuelle, l’état civile, l’âge sauf dans la mesure prévue par la loi, la religion, les convictions politiques, la langue, l’origine ethnique ou nationale, la condition sociale, le handicap ou l’utilisation d’un moyen pour pallier ce handicap.
Le Québec devient la première juridiction en Amérique du Nord et la deuxième société dans le monde, après le Danemark, à interdire la discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
Il  faut cependant prendre note que la charte québécoise ne s’applique que dans les domaines de compétence provinciale. Ainsi le Québec, bien que se prévalant de son droit de déroger à l’article 15 lors de l’adoption de la Charte canadienne des droits et libertés en avril 1982 – article qui n’inclut pas l’identité sexuelle sur sa liste des fondements des discriminations -, ne peut intervenir contre la discrimination sexuelle lorsqu’il s’agit de règles fédérales. Il faut attendre en 1995, par l’entremise du jugement de la Cour Suprême du canada dans l’affaire Egan et Nesbit, pour voir le canada prohiber la discrimination en vertu de l’orientation sexuelle.
Il faut noter que la Charte des droits et libertés de la personne fut promulguée par le gouvernement de Robert Bourassa en 1976 mais qu’elle ne faisait pas à cette époque aucunement mention de l’orientation sexuelle comme motif interdit de discrimination.

1978
Une nouvelle loi sur l'immigration retire les personnes homosexuelles de la liste des individus inadmissibles à la citoyenneté canadienne.

1980
La Chambre des communes refuse l'adoption d'un projet de loi interdisant la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle. Par la suite, le député Svend Robinson propose des projets de loi semblables en 1983, 1985, 1986, 1989 et 1991, qui sont tous rejetés.

1982
Adoption de la Charte canadienne des droits et libertés. Le Parlement canadien refuse alors d’inclure l’orientation sexuelle comme motif interdit de discrimination. En 1996, le Parlement adopte une loi interdisant la discrimination dans les institutions de compétence fédérale. Pour sa part, la jurisprudence des tribunaux supérieurs interprète la charte canadienne à la faveur de l’absence de discrimination sur la base de l’orientation sexuelle. Même si elle n’est pas nommément inscrite dans la Charte canadienne des droits et libertés, la discrimination sur la base de l’orientation sexuelle y est interdite.

1986
Les autres provinces ont inclus dans leur code sur les droits de la personne un interdit de discrimination
fondée sur l’orientation sexuelle, dans l’ordre chronologique suivant :
1986 l’Ontario, 1987 le Manitoba et le Yukon, 1991 la Nouvelle-Écosse, 1992 le Nouveau-Brunswick, 1993 la Saskatchewan, 1995 Terre-Neuve, 1998 l’Alberta et l’Île-du-Prince-Édouard, à la suite d’un jugement de la Cour suprême du Canada.

1992
Un tribunal fédéral décrète qu'un amendement doit être apporté à un règlement afin de permettre aux gais et lesbiennes de se joindre aux Forces armées canadiennes.
Le gouvernement fédéral, suite à l'arrêt Douglas v. Canada, retire l'interdiction aux gais et aux lesbiennes de servir dans l'armée.
Dans la cause Haig et Birch c. Canada, la Cour d'appel de l'Ontario stipule que l'omission du terme orientation sexuelle dans la Charte canadienne des droits et libertés est discriminatoire.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) produit un avis selon lequel associer l’homosexualité à une maladie mentale est une erreur.

1993
La Commission des droits de la personne du Québec (CDPQ) organise des audiences publiques sur la discrimination et la violence vécues par les gais et lesbiennes au Québec. La CDPQ déposera un rapport à l’Assemblée nationale et 41 recommandations visant à contrer les discriminations persistantes à l’endroit des personnes homosexuelles.

1995
La Cour suprême du Canada juge que l'orientation sexuelle devrait être un motif de discrimination, tel qu'indiqué à l'article 15 de la Charte. La Cour ne donne toutefois pas raison à Jim Egan et Jack Nesbit pour être reconnus conjoints en vertu de la Loi sur la sécurité de la vieillesse.
L'Ontario devient la première province canadienne à autoriser légalement les couples de même sexe à adopter des enfants. La Colombie-Britannique, l'Alberta, la Nouvelle-Écosse et le Québec ont emboîté le pas.
L’homosexualité est incluse dans la politique québécoise en matière de violence conjugale.

1996
Le gouvernement du Canada accepte une décision du Tribunal des droits de la personne (Moore & Akerstrom v. Canada) qui étend aux conjoints de même sexe les bénéfices aux employés fédéraux. Cela inclut les avantages sur les soins de santé et de relocalisation.
L’American Psychological Association reconnaît dans son code de déontologie que de considérer l’homosexualité comme un trouble psychologique, une déviance sexuelle ou une forme de psychopathologie est une faute éthique.
La Chambre des communes du Canada modifie la Loi canadienne sur les droits de la personne afin d’y inclure un interdit de discrimination fondée sur l’orientation sexuelle.
Le gouvernement du Québec amende l’article 137 de la Charte des droits et libertés de la personne afin d’éliminer la discrimination à l’endroit des couples de même sexe en matière de régimes d’assurances, de retraites et de tout autre régime d’avantages sociaux.

1997
Le gouvernement de Terre-Neuve devient inclut dans sa charte des droits une clause qui interdit la discrimination vis-à-vis l'orientation sexuelle.
Le gouvernement fédéral modifie le Code criminel afin d’inclure l’orientation sexuelle des personnes comme motif de crime à caractère haineux.
Le ministère de la Santé et des Services sociaux du Québec adopte des orientations ministérielles qui promeuvent l’adaptation des services aux réalités et besoins des personnes homosexuelles.

1998
(23 avril) : L'arrêt Cupe & Rosenburg v. Canada de la Cour d'appel de l'Ontario juge que la définition de conjoint de la Loi sur l'impôt doit inclure les conjoints de même sexe.
Le gouvernement de l’Alberta et l’Île-du-Prince-Édouard Terre devient inclut dans sa charte des droits une clause qui interdit la discrimination vis-à-vis l'orientation sexuelle.

1999
(14 septembre) : Adoption par l’Assemblée nationale du Québec de la Loi modifiant diverses dispositions législatives concernant les conjoints de fait, connue sous le nom de Loi 32, reconnaissant une égalité de droits entre les conjoints de fait homosexuels et les conjoints de fait hétérosexuels.  La loi élimine la discrimination dans 28 lois québécoises.
La Cour suprême du Canada stipule que les couples de même sexe doivent avoir les mêmes droits et obligations que les conjoints de fait de sexe opposé et le même accès aux avantages sociaux découlant des programmes auxquels ils contribuent.
Le Parlement canadien amende la Loi sur les régimes de pension de la fonction publique afin d'étendre aux conjoints de même sexe les mêmes avantages.
La Chambre des communes vote dans une proportion de 216 contre 55 en faveur d'une définition du mariage n'incluant que l'union d'un homme et d'une femme.
Les conventions collectives CSQ du secteur public ont reconnu les conjointes et conjoints de même sexe. En d’autres termes, celles-ci et ceux-ci obtiennent les mêmes avantages sociaux (congés sociaux, assurances collectives, régime de retraite, …) que les conjoints de sexe différent vivant en union de fait.

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